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Kotor.
Petit-déjeuner dans la cuisine de l’auberge, où l’on rencontre un Américain qui est en quelque sorte resté coincé dans les Balkans après la fermeture des frontières à cause du covid il y a deux ans. Aujourd’hui, il refuse de se faire vacciner et même de se faire tester, et ne peut donc pas retourner chez lui, alors qu’un test serait suffisant pour passer la frontière États-Unienne. Je rencontre avec curiosité une personne anti-test. Je lui pose beaucoup de questions, et la conversation s’enfonce dans des discours de « ils » qui veulent nous oppresser et que beaucoup de ce que nous dit le gouvernement ne fait pas sens. Il a l’air convaincu qu’un groupe fait un très grand effort particulier à orchestrer et manigancer quelque chose. Moi même, je veux bien comprendre que le gouvernement se trompe parfois, mais je lui demande s’il pense que ce « ils » est malicieux ou simplement ignorant, et sa réponse est qu’ils étaient malicieux avant, dans les années nonante, mais qu’aujourd’hui c’est de la pure ignorance. Il n’a pas de preuves tangibles ou d’arguments qui sauraient me faire commencer à penser que quelque chose est réellement magouillé par quelqu’un, malgré mes questions insistantes et mon ouverture, et j’en juge que faute de réels indices, rasoir d’Occam, il ne se passe sûrement rien d’aussi extraordinaire qu’il ne le pense, ou qu’il aimerait le penser. Il me donne quand même des références de livres pour creuser le sujet (The Return of the God Hypothesis, The Transgender Industrial Complex, Virus Mania). Il pense que plus globalement, la société est sur un grand déclin et sur une phrase critique à laquelle va suivre un effondrement qui est imminent, pas plus d’une dizaine d’année m’assure-t-il. Il juge que la société se féminise trop et soudain est en train de me prôner le retour du patriarcat, qui serait la seule solution. Mon esprit n’est malheureusement pas assez ouvert pour continuer la discussion ce qui me fait rendre compte qu’il y a quand même des avis qui peuvent m’apeurer et je commence à ranger mes affaires pour m’en aller, alors qu’il est en train de virer la conversation sur le Bitcoin, qui serait notre arme face à « eux » et l’effondrement sociétal qui sera principalement économique.
Avec Oliver, on a décidé de s’offrir le luxe de laver nos habits à la machine. Je lave d’habitude mes habits du jour à la main, mais ici j’ai plusieurs pièces de linge sale qui se sont accumulés et j’en profite pour lancer une machine et bien tout nettoyer, en collaboration avec le linge d’Oli.
Après cela, allez, il est temps de se mettre au journal. Fragments éparses, idées éparpillées, photos égarées sur plusieurs médiums, souvenirs qui s’effilochent: on s’assied et on va mettre tout ça au propre, rassembler les bouts, choisir les mots, constituer les phrases, et faire quelque chose de ce désordre de brouillons, histoire de rattraper mon retard. On se pose au petit café Niente avec sur la ruelle et les passants. Oli créé et met en place son blog. On récupère ensuite le linge nettoyé et on l’étend sur les cordes à la fenêtre de l’auberge, avant d’aller manger une salade sur la place du Cinéma sous un peuplier multi-séculaire planté en 1667 après un grand tremblement de terre, puis de trouver un autre café tout proche, au Mone, où l’on se fait plaisir en voyant les jolis desserts affichés dans la petite vitrine: je prends un milkshake et un brownie, allez on va pomper l’insuline, non mais je le mérite car je fais beaucoup d’efforts physique, ça y est c’est mon addiction qui parle. Mais je suis très positivement surpris par la qualité des gâteaux et du milkshake.
Le jeune serveur vient plus tard nous demander si on est « programmeurs », et je mets ce mot entre guillemet car je ne vois pas pourquoi il irait penser ça. Bon, lui-même est un artiste et voudrait savoir combien ça lui coûterait de créer une application de réalité augmentée qui pourrait scanner des œuvres d’art imprimées sur des t-shirts sous forme de NFT sur la blockchain. Je lui apprends avec désolation qu’il en a pour pas mal, il veut combiner toutes les dernières technologies et il y a en a pour des centaines d’heures de travail pour une petite équipe de développeur.
En fin de journée, Oli rentre et je fais un petit tour photo dans Kotor.
Sur les murs de la ville, je croise un vieux couple du Tennessee qui visite l’Europe pour la première fois sur une croisière qui va de la Grèce à Venise. Je rentre à l’auberge, Oli m’aide à réparer mon frein de vélo. Le gars du TCS s’improvise en type du BCS. « Les mécanismes sont souvent similaires sur une voiture et un vélo », m’assure-t-il. Il m’apprend des petites choses très utiles et mon vélo fonctionne et on en a profité pour changer les plaquettes de mon frein à disque mécanique. Souper ensuite à La Catedral, des pâtes italiennes accompagnées d’un verre de vin rouge, puis le serveur nous offre un shot de lośa, le schnaps local au fruit de raisin, pour la digestion, c’est toujours l’excuse.
Le blog d’Oliver: https://beautifulpathsahead.wordpress.com/