63km, 4h15
Domodossola, Piedimulera, Premosello-Chiovenda, Mergozzo, Omegna, Orta San Giulio.
Réveillé par du Ludovico Einaudi qui jour dans le salon. Emanuela me propose de manger les restes de patates avec de la raclette, ce que j’accepte volontiers. Durant ce petit-déjeuner inédit, elle m’aide à chercher un prochain point de relais, sur WarmShowers, dans une auberge de jeunesse pas trop chère, ou sur un autre site pour les voyageurs. Mais on ne trouve rien, je dis donc que je ferai confiance à l’Univers et je me prépare à partir. On se dit adieu, une photo souvenir, et je lui déclare au moment d’enfourcher mon vélo que c’est l’heure de l’aventure, à l’exact même moment que sonnent les cloches pour midi. Si tôt dans mon voyage, la rencontre énormément enrichissante avec Emanuela, tant sur le point politico-économique et historique que spirituel, m’accable, mais positivement. Grâce à ce qu’elle a partagé avec moi, si le voyage devait se terminer maintenant il aurait été concluant et m’aurait apporté des grandes réponses déjà. Mais je continue de rouler, aujourd’hui, si ce n’est pour le plaisir de pédaler.
Juste avant de partir, Emanuela m’a donné une citation de Goethe, qu’elle a aussi affiché sur son frigo:
Until one compromises, there is hesitation, the possibility of turning back, and always ineffectiveness.
With respect to every act of initiative (and creation) there is only one elementary truth, ignorance kills countless ideas and beautiful plans. The moment one permanently compromises, providence moves as well. All sorts of things happen to help, things that otherwise would never have happened.
A stream of events begins with the decision, causing all sorts of unpredictable incidents, encounters, and material assistance to arise in our favor that no one would have dreamed could come this way.
Everything you can do, or dream you can do, begin.
Courage has genius, power and magic in it. Begin it now.
Direction le sud, pour sortir des Alpes. La première partie de la journée suit une piste cyclable régionale qui longe la rivière Toce. Contrairement à l’autre jour en suivant le Rhône, cette route est riche et variée: elle n’est pas simplement parallèle à la rivière, mais ose s’aventurer à gauche et à droite, passer sous on pont, faire un détour par une forêt ou un petit village, monter et redescendre. C’est vraiment adorable et agréable comme chemin! Vive la diversité. Je croise des troupeaux de chèvres et de moutons, au milieu du chemin, accompagnés toujours par un berger: un vieil homme avec une canne toujours, parfois couché sur un banc à faire la sieste, une caisse de cannettes de bières vides à côté. La nature ici est plus sauvage, ou plutôt moins artificiellement contrôlée, qu’en Suisse.
Plus tard, je cherche une alimentation pour me ravitailler: je passe sur la grande route. Après avoir demandé dans plusieurs villages, je comprends que les magasins n’ouvrent qu’à 15h. J’ai faim et continue donc quand même de chercher. Je ne trouve plus trop de magasin. Puis j’en trouve un qui ouvre à 16h, j’attends l’ouverture devant et un monsieur accompagné de sa petite-fille me dit qu’ici, tout ouvre à 16h30. Frustré, je continue. Finalement, je trouve un Aldi et décide de faire mes courses là. Un marché local aurait été plus sympa, mais je ne peux plus attendre. J’achète 5 bananes, 3 clémentines, une tomate, des dattes, du pain, du fromage, du beurre de cacahuète, une pâte à tartiner à l’olive, et des biscuits pour 14.28€. Je sors mes sous pour la première fois du voyage. Il y a un Wifi gratuit et j’en profite en mangeant. Un homme me demande où je vais et me dit qu’il cherche à acheter une maison dans le coin, mais qu’il y en a peu avec des places de parque pour voiture, ce qui est un problème d’offre dans la région.
Après ça, c’est déjà l’heure de trouver un endroit où poser ma tente. Je décide de rejouer la stratégie du jardin privé. Je roule jusqu’à Omegna au lac d’Orto, puis plus loin, sans rien trouver. Il y a énormément de campings, mais je préfère ne pas payer, je peux faire dans douche au moins une nuit, c’est plus amusant comme ça. J’arrive à Orta San Giulio, une péninsule d’environ un kilomètre de diamètre, qui a une haute colline en son centre, et j’en fais le tour. Il y a la vue sur l’île de San Giulio, juste en face, qui est pleine de maisons, et les couleurs de celles-ci s’accordent avec la lumière du ciel et son coucher de soleil.
Je décide de ne pas aller plus loin au sud, et cherche désespérément un endroit, alors qu’il est après 19h. Je croise un couple qui promène leur chien, et ils semblent tout nerveux de vouloir m’aider, car ils ont une solution mais n’arrivent pas à me la communiquer. Leur fils arrive et m’explique en meilleur anglais. Il me demande si je cherche un endroit avec une vue panoramique. Un peu confus, je réponds que je cherche n’importe quel bout de parcelle. Ils me disent de suivre le père, qui a pris sa voiture. On monte sur la colline au milieu de la péninsule. Je suis à bout de souffle en tentant de le suivre. Au sommet, il s’arrête et m’explique qu’il y a un petit air de camping-car, et que je peux sans soucis planter ma tente à côté, car c’est un lieu saint de pélerinage. On est à Sacro Monte, une très vieille église avec plein de chapelles. Je le remercie et vais vite monter ma tente et cuisine des pâtes avec une sauce tomate à la courgette. Il y a des tables de pique-nique en pierre et aussi des toilettes propres. Je visite Sacro Monte de nuit. Il n’y a personne, c’est calme à part des chiens qui aboient au lointain. Je passe du temps à regarder l’église et sa belle architecture. Je pense aux mille ans de son histoire, à tous les pèlerins et visiteurs qui sont passés par ici, à notre héritage religieux. Je suis totalement submergé par la grandeur culturelle de ce lieu. Derrière, il y a une vue imprenable sur l’île de San Giulio. Heureux de dormir ici, je retourne dans ma tente.
Aphorisme du jour:
Architecte de pistes cyclables, quel beau et utile métier.