Jeudi 12 mai 2022

74km, 5h00.

Ostros, Shkodër.

L’objectif d’aujourd’hui est d’arriver à Shkodër, qui se trouve à l’autre extrémité du lac éponyme. La route que l’on suit longe ce dernier, à travers les montagnes, aucune jonction, juste une route sinueuse à travers les forêts, avec le lac comme élément du paysage qui nous accompagne sur notre gauche. La route est divisée en trois longues ascensions suivis de leur descente.

Extrémité ouest du lac de Shkodër.
La route le long du lac de Shkodër.

A Ostros, j’aperçois le premier minaret du voyage, longue torche blanche qui s’élève droit, pointue, pointée, vers le ciel. Il en sera suivi d’autres plus loin, des monuments que je n’ai pas l’habitude d’apercevoir dans un paysage et qui percent les paysages par leur géométrie et l’immaculité de leur blanc. Tours impassibles et silencieuses dans le décor, qui s’éveillent à différentes heures de la journée pour le chant du muezzin, porté loin par les hauts-parleurs qui ornent leur sommet.

Ostros et le minaret de sa mosquée.
Mosquée d’Ostros.

Avec Oli, on va chacun à notre rythme, chacun dans notre propre transe, concentré seulement sur l’effort que l’on doit fournir pour atteindre notre destination qui se trouve à une septantaine de kilomètres. Je roulerai torsue nu jusqu’à la frontière, un seul habit en moins me fait sentir beaucoup plus libre, une liberté qui me permet de me concentrer encore mieux sur l’effort et ses sensations associés. Je bois beaucoup d’eau. Arrivé au dernier des trois sommets, je me sens extrêmement bien, mon corps à maintenant l’habitude de ces dénivelés, ils ne représentent plus rien de difficiles. Depuis là-haut, vue panoramique sur le lac, la ville de Shkodër qui s’étale, et devant la mer, le plateau où se trouve la frontière avec l’Albanie.

À l’intérieur d’un mirador au troisième et dernier sommet de la journée.

Au poste de contrôle, un gendarme français fait la causette avec nous, il est là en mission avec Frontex et avoue s’ennuyer un peu, et a l’air bien content de pouvoir parler avec un autre francophone. Passage de la frontière.

Arrivée en Albanie !

Plus que quelques kilomètres jusqu’à Shkodër, je m’amuse à prendre des photos pendant que l’on roule.

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Au centre de Shkodër, on trouve du Wi-Fi et on va pour l’auberge de jeunesse Mi casa es tu casa. Fantastique atmosphère, la propriétaire Alma a décoré elle-même l’endroit, l’espace respire, est coloré de tapis, de tissus, d’objets divers. On est dans le dortoir à dix lits. Il y a un jardin avec une terrasse, et un salon intérieur où se trouvent plusieurs instruments, dont un didgeridoo. Je rencontre Ariane, qui voyage depuis la France sans prendre l’avion, et on va manger ensemble avec Oli, chez Puri, un restaurant traditionnel albanais. On prend un Father’s Day végétarien, un plat d’haricots et de légumes sur un lit de riz spécial, ainsi que du brocolis frit au fromage. On nous apporte également en cadeau des délicieux légumes grillés, une assiette chacun, on a tellement de nourriture qu’on peine à terminer toute la table, mais je sens déjà une bonne hospitalité pour ce premier repas en Albanie.

De retour à l’auberge, la terrasse du jardin est animée car son bar est ouvert. Je vais parler au barman, un jeune albanais de mon âge qui s’intéresse à la philosophie, se vante d’avoir lu six livres de Nieztche, et joue aux échecs. On s’entend bien immédiatement, il est très ouvert et surtout direct, qualité qu’il a construite à des fins thérapeutiques: en disant toujours ce qu’il pense, il ne garde rien à travailler dans son esprit, ce qui lui permet d’être plus en paix. Je l’aime vraiment beaucoup. Malheureusement, les règles de l’auberge force le bar à fermer à vingt-trois heures, et pas une seule seconde après cette heure-là, les lumières sont éteintes par un responsable, et soudainement tout le monde s’éparpille, s’en va, se dit furtivement bonne nuit, et à vingt-trois heures deux, je me retrouve subitement seul sur cette terrasse, sans avoir tout à fait compris ce qu’il s’est passé. Un instant on était une dizaine à boire et rire dans une conviviale ambiance, puis subitement plus rien. J’entre dans le dortoir et croise Ariane qui se brosse les dents, déjà prête à aller au lit. Ce changement abrupte de situation à été d’une sorte de violence silencieuse pour moi, et je dois me poser dans le salon dans le noir pour réfléchir à ce qu’il s’est passé, ce que je ressens, et comprendre le déroulement de la scène. Je n’arrive pas à saisir comment tout le monde a réussi à quitter cette atmosphère, que je vivais comme si chaleureuse jusqu’à vingt-trois heures moins une, si rapidement. C’est comme si j’avais imaginé une sorte d’intimité, une complicité que l’on partageait tous, et il me semblait naturel que l’on allait se déplacer ensemble quelque part d’autre, mais non, lumière éteinte et c’est terminé, comme des bons fonctionnaires. Bref, après ces réflexions je vais me coucher sur mon lit supérieur au-dessus de celui d’Oli dans un dortoir plein.

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