62km, 3h44.
Omiš, Baška Voda.
Split, Split, Split. Ah, Split. Destination incontournable de la Croatie, perle de la côte adriatique, tu as su me charmer et tu m’as gardé plus longtemps que n’importe quelle autre destination de ce voyage. Je voulais simplement me reposer et m’occuper de quelques tâches avant la suite, mais non, tu m’as eue. Ton âme est le fruit d’influences romaines et vénitiennes, auxquelles se mêlent empreinte byzantine et traces austro-hongroises, tout en conservant une fière et forte posture slave. C’est ton Palais de Dioclétien et ses murs conservés vieux de 1700 ans à l’intérieur et autour desquels la ville s’ est construite, et qui abritent aujourd’hui des dizaines de charmants cafés, bars, restaurants à la cuisine internationale, galerie d’arts et autres boutiques. Ou c’est peut-être la richesse historique et la beauté de ta cathédrale de Domnius et son péristyle, de jour éblouissant sur toute la place par la blancheur de ses roches, s’attendrissant le soir pour devenir une cour à la chaude atmosphère, place préférée où traîner et boire un verre. Tu attires le bon monde, tu es une de ces villes qui a le secret pour séduire ceux qui veulent monter une boutique extraordinaire ou proposer des plats incroyables. Ils savent que c’est chez toi que ça se passe. Et le soir, tu as su corrompre mon esprit et me faire faire tout et n’importe quoi. Tu sais faire la fête, les voyageurs dans les Balkans passent par toi et il n’y pas de soir où tu t’endors véritablement. Vagabonds de passage, backpackers, cyclotouristes, étudiants en échange, tous les jeunes et moins jeunes fêtards internationaux s’y rencontrent pour des douces nuits de folies, rapides, intenses, avant de continuer leur voyage.
Ainsi nous repartons à vélo, car il faut bien y aller un jour, n’est-ce pas, sinon ça ne ferait pas de sens: toute chose a une fin, et s’arracher des bonnes choses permet tout autant de les apprécier et de les respecter. J’ai très peu dormi, il va falloir me reposer ces prochains jours et repayer ma dette hypnique. Dette qui soit dit en passant était d’après mon avis actuel un excellent investissement et dont j’ai pu tirer des profits de plaisir qui en valaient la peine. En sortant de la ville, je manque de me faire renverser par une voiture que je suivais qui a subitement freiné et fait marche arrière. Par réflexe, j’ai immédiatement tapé de ma main sur le capot arrière en jurant en français, ce qui a immobilisé la voiture. La femme du monsieur a ouvert la porte en s’excusant humblement, pendant que ce dernier regardait droit devant comme si rien ne s’était passé. Les gars et leur ego, je vous jure.
Je suis des promenades piétonnes le long de la mer. Petit sentier rocheux assez compliqué à un moment. Puis arrivée à Omiš, et la route bifurque à l’intérieur des terres pour s’enfoncer entre des larges falaises qui suivent la rivière Cetina, dont l’embouchure se trouve dans ce village. J’aime imaginer qu’il y a peut-être une goutte que j’ai vu sortir de la source l’autre jour et qui est maintenant ici en train de se jeter dans la mer, ayant complété sa vie d’eau douce et rejoignant la grande famille dans la mer. Je te salue, petite goutte. Bientôt tu remonteras au ciel, mais vraiment. Une goutte, ça ne meurt pas quand ça monte au ciel, ce n’est que le début d’une nouvelle aventure qui la projettera loin. De la véritable réincarnation !
Entre les falaises, routes tortueuses. Beaucoup de forêts denses, de rochers impitoyables: la côte méditerranéenne, quoi. De la montée aussi, ça grimpe jusqu’à se retrouver du côté de la mer, où on retrouve une vue sur les îles. Je suis au point le plus haut de ma route pour aujourd’hui, j’ai donc bien mérité un Ragusa. J’en ai dix, cinq au lait et cinq noirs, autant de récompenses pour des ascensions réussies. Je déguste donc le premier au lait ici.
Plus tard, je commence à me sentir moins bien, tout cela est trop d’effort pour mon corps affaibli par Split. Je commence à avoir un peu mal à la gorge. Je décide de dormir au chaud et réserve un appartement sur Booking. Dans les instructions d’accès, c’est écrit que « quelqu’un vous accueillera sur place ». Sur place, rien. Je ne trouve d’abord même pas le numéro de rue. Je dois demander à des voisins, puis une dame appelle la personne qui est censée habiter là. Cette personne dit que la chambre n’est pas mise à disposition jusqu’en juin. Saperlipopette, mais c’est pas possible ça. J’ai déjà payé, je me sens de plus en plus malade, j’ai juste envie d’une chambre. Le propriétaire arrive, il me montre la chambre, il y habite en fait, mais me dit que je peux dormir sur le lit et qu’il dormira autre part ce soir. Mais c’est sale et il y a des objets lui appartenant éparpillés partout; je refuse: j’ai payé et j’aimerais récupérer dans un endroit plus hygiénique. À ce point, je suis énervé, il ne veut pas me rendre mon argent payé via Booking et il m’a fait perdre mon temps. Je prends un autre hôtel pas loin, il essaie de me retenir, me demande de ne pas lui donner une mauvaise note, mais mon gars c’est tout ce que cette affaire mérite. Il tente ultimement et vainement de me proposer une bière, ce qui m’agace encore plus avant que je m’en aille. À l’hôtel, porte fermée, je vois la réception, mais personne, mais c’est pas possible. Il y a un numéro, je demande à un passant d’appeler pour moi, le gérant est au restaurant, il me dit que sa femme va bientôt arriver. Las, j’attends, rappelle un quart d’heure plus tard, attends encore, finalement on arrive, excuses, mais ça m’est égal, donnez-moi juste une chambre. Je cuisine, me douche puis m’écrase sur le lit.