5km, 0h32.
Merag, île de Krk, Lopar.
Hier soir, j’ai dĂ©cidĂ© de modifier mes plans et de passer par les Ă®les au lieu de la terre ferme, pour ne pas prendre plus de « retard » et me retrouver en hiver avant d’arriver en Inde, ainsi que pour profiter de la beautĂ© de ces Ă®les dont j’aime bien le style de terrain. Je me suis donc rĂ©veillĂ© vers 7h dans le but de prendre le ferry de 8h30 pour rouler sur l’Ă®le de Krk et prendre plus loin un autre ferry pour la prochaine Ă®le. Parti de mon sympa lieu de campement peu après 8h, je pensais qu’il me restait bien assez de temps pour atteindre le port, situĂ© Ă environ trois kilomètres juste en dessous, mais j’ai Ă©tĂ© pris au dĂ©pourvu par la route extrĂŞmement caillouteuse. Mon vĂ©lo rebondissait et giclait dans tous les sens et je devais parfois m’arrĂŞter et marcher. J’allais au plus vite que je le pouvais, Ă 8h25, encore loin, j’ai abandonnĂ©, j’allais attendre le prochain ferry deux heures plus tard. J’ai continuĂ© d’avancer, dĂ©pitĂ©, et soudain j’ai eu de nouveau de l’espoir, la route Ă©tait maintenant goudronnĂ©e, j’ai pĂ©dalĂ©, pĂ©dalĂ©, je suis arrivĂ© au ferry, oĂą la dernière voiture chargeait, j’ai dĂ» encore monter deux cents mètres sur la route jusqu’au guichet Ă tickets, puis revenir pendant que la croisière s’amusait de ma hâte sur le ponton, et j’ai rĂ©ussi Ă prendre le bâteau de justesse.
Un demi-heure plus tard, j’arrive sur l’Ă®le de Krk et dĂ©couvre en demandant que le prochain bâteau pour Rab est Ă 18h20. Ah, les alĂ©as du voyage sans connection internet mobile. J’avais « planifié » mon coup tout just hier soir, en regardant les connections Ă bâteau sur ma carte hors-ligne, et je n’avais pas pensĂ© qu’il n’y aurait que deux bateaux par jours. Mais c’est exactement pour ce genre de situations que j’ai dĂ©cidĂ© de voyager sans internet: essayer de ne pas trop tout planifier et ĂŞtre moins certain de ce que chaque jour m’amène, me retrouver dans des situations innatendues. Il une facette très excitante Ă l’abandon du contrĂ´le, Ă ce petit instant oĂą je dĂ©couvre que cela ne va selon le plan et que je dois me soumettre Ă la situation, m’adapter et rĂ©tablir le plan. Et de toute façon, je ne suis pas pressĂ© car je n’ai pas de date limite butoire pour quoi que ce soit. J’ai eu la sensation aujourd’hui que mon voyage devenait un vĂ©ritable style de vie.
Je me pose donc au restaurant du port, sèche ma tente, lave mes pots, et me rĂ©jouis de pouvoir rattraper le retard que j’ai pris dans l’Ă©criture de mon journal. Je prends aussi le temps de poster quelques vidĂ©os sur Instagram, ce qui me prends un temps fou et auquel je ne prends pas beaucoup de plaisir. Je prĂ©fère Ă©crire, mais le monde connectĂ© demande un format et un mĂ©dium diffĂ©rent…
Vers 15h, j’aperçois quatre bike-packers qui dĂ©barquent depuis Krk. Je les approche, ce sont quatre amis Allemands qui voyagent pour une petite semaine sans plans prĂ©cis dans la rĂ©gion. Ils admirent mon vĂ©lo et me posent pleins de questions Ă propos de mon voyage.
Ils repartent un peu moins d’une heure plus tard avec le ferry pour Cres. Alors qu’on se dit au revoir, je vois un couple de cyclotouristes sortir du bâteau. On blague que j’attends toute la journĂ©e lĂ , coincĂ© au port, Ă saluer les diffĂ©rents cyclistes, Ă la suite. Le couple est Suisse, de Zurich. Je les invite d’abord Ă contempler mon vĂ©lo, et on compare nos vĂ©hicules, comme d’autres comparent leurs voitures ou leurs montres: « Beau cadre que tu as là  », « oh, je vois que tu as aussi la charge par dynamo dans le moyeu, quelle marque ? », « comment tu trouves ton installation pour la gestion de l’eau ? », etc. Je remarque que leurs sacoches Ortlieb ont l’air soigneusement pliĂ©es et droites, alors que les miennes sont cabossĂ©es et fermĂ©es comme je le peux. Ils s’assoient Ă ma table et on prend chacun une pizza en partageant nos expĂ©riences. Vu que le ferry arrive après me coucher du soleil Ă Rab, ils ont dĂ©jĂ rĂ©servĂ© un appartement Ă quatre places, et ils m’invitent donc Ă prendre la deuxième chambre. Sur le ferry, on a un beau coucher de soleil.
Avant de me coucher, je fais une ballade jusqu’Ă la mer et le long d’une promenade. C’est très calme, mĂŞme l’eau est complètement plate.