40 km, 2h44
Gozzano, Borgomanero, Gattico, Cicognola.
Réveillé à 8h30 par les cloches de Sacro Monte qui jouent une petite mélodie. Il fait beau et le soleil brille. Je prends mon temps pour sortir de la tente. Puis je mange tranquillement, nettoie mon vélo, regonfle les pneus, profite de la fontaine pour nettoyer les ustensiles, fais un peu d’ordre dans mes sacs. Je retourne ensuite devant l’église, visite l’intérieur, admire la vue sur le lac. Dans les chapelles se trouvent des centaines de statues en bois de taille réelle représentants des scènes de la bible. Des centaines de fresques accompagnent celles-ci.
Visiter un lieu de piété en tant que nomade me dévoile une facette de ces endroits que je n’avais jamais comprise avant. C’est la première fois de ma vie que je passe par un lieu saint comme étape d’un chemin, pour une nuit. D’habitude, c’est pour une visite touristique rapide, une destination supplémentaire dans une journée chargée. J’arrive, je regarde vite fait, prends des photos, jette un petit « waouh » face à une belle fresque ou une arche bien construite, et m’en vais. Aujourd’hui, je me sens accueilli ici, j’ai l’impression d’être le bienvenu dans un lieu de ressourcement, de sécurité, de calme. Je m’y sens accueilli, invité. Je ressens l’envie de me prosterner devant une grandeur au-dessus de moi, à toute cette organisation, cette foi et cette confiance qui rend ces endroits possibles et si magiques.
Le temps que je me mette en route, il est bientôt midi. La route est facile, plutôt plate, passant par des jolis villages italiens. À Gozzano, il y a un marché. J’achète de la ricotta, des tomates séchées et des olives. Ça va être parfait avec mon pain. Le vendeur me parle en français, et après que je lui raconte le but de mon voyage, me donne le tout à deux euros « pour l’inspiration », et prend mon Instagram. Je me connecte à un Wi-Fi et une personne de WarmShowers m’a répondu positivement pour ce soir! Il me prévient que son anglais n’est que pour la survie, et il sait que je ne parle pas bien l’italien. On verra ce que ça donne. Il n’habite qu’à une vingtaine de kilomètres et je peux donc prendre mon temps. Je roule plus aisément, visite les églises toutes plus incroyables les unes que les autres, même dans les petits villages.
J’arrive à l’extrémité sud du Laggo Maggiore vers 15h, juste à côté de chez Giorgio. Je trouve un coin sur la plage et me pose au soleil. C’est calme, des couples qui se promènent ou mangent le pique-nique, et quelques familles qui s’amusent. Même s’il fait légèrement frisquet, il fait grand beau maintenant. J’écris mon journal.
À 18h, je vais chez Giorgio. En arrivant devant la maison, c’est le boucan: deux dames semblent crier, des chiens aboient, des portes claquent. Une des dames me voit, me dévisage et dit quelque chose à propos de Giorgio, tout excitée, en voyant mon vélo bien garni. Elle m’emmène à l’intérieur et m’ordonne de m’asseoir à la cuisine, qui est jonchée de casseroles, de bouteilles de condiments divers, et de plats cuisinés. Elle me demande si je veux un caffè et sort une boîte remplie de biscotti. Giorgio arrive, les cheveux et les favoris ébouriffés, et on essaie de communiquer. Mon italien est aussi modeste que son anglais, mais on arrive à se comprendre en parlant piano. Sa tante, qui est celle qui m’a invitée, est pleine d’énergie et commence à m’offrir plein de nourriture. C’est au tour de la maman de Giorgio d’entrer dans la cuisine, et de lui donner des ordres quant à quoi me donner à manger pour le souper, dans son fort caractère et de sa voix qui est d’une qu’on n’ose pas contredire. Le père aussi arrive et repart, ça crie dans tous le sens, car ils partent manger chez la famille et doivent d’organiser. En plus de tout cela, il y a trois chiens qui aboient et courent dans tous les sens. C’est le chaos; pour le petit Suisse que je suis, on dirait que tout le monde s’engueule, mais à y regarder de plus près, tout à l’air en ordre, et tout le monde opère bien! Ils s’en vont chargés de plats et laissent Giorgio et moi à table. Je suis forcé, tout comme lui, de faire un effort pour communiquer, et ça marche très bien. Un niveau d’italien dont je ne soupçonnais même pas l’existence sors de moi naturellement, et j’admire la capacité du cerveau à se débrouiller et à être intelligent quand il le faut, comme par magie presque. À la fin du repas, il me fait goûter des alcools forts artisanaux de la famille et d’amis; du limoncello, de l’alcool de myrtilles, de cerises, et d’herbes. Lui n’en prend pas, car après cela il me conduit en voiture jusqu’à Arona, sur le Lago Maggiore. On prend Yoshi, son chien, avec nous. On fait un petit tour sur le bord du lac, toujours en essayant de se déchiffrer mutuellement nos mots. Le centre est quelque peu animé, des jeunes s’amusent autour des bars. On va manger un gelato, que Giorgio insiste à m’offrir. Le lac est très bas car cela fait depuis l’automne qu’il n’a pas plus dans la région. Emanuela me disait la même chose, et la population s’inquiète pour les sécheresses ou crues qui suivront à l’arrivée du printemps. Je remarque que c’est la pleine lune. Quelques petites pensées…
Au retour à la maison, le papa ne cesse de m’offrir de la nourriture. Ils ont des caisses remplies de légumes, pâtes, chips, boîtes de conserves, etc. dans la cave, et il tient absolument à ce que je reparte les sacs remplis. Je suis gêné de refuser mais ne peut pas tout accepter, je suis déjà tellement reconnaissant qu’ils m’offrent un lit et un repas. Georgio dort sur le canapé et me laisse sa chambre et son lit. Tant de gentillesse et de générosité. J’espère pouvoir leur redonner un jour au moins autant qu’ils m’ont donné.