Jeudi 19 mai 2022

23km, 1h40.

Pëllumbas.

Avant de partir, j’aimerais visiter Bunk’art, qui se trouve un peu a l’extérieur de la ville, et je demande donc les instructions pour prendre le bus à l’auberge. Arrivé à l’arrêt, pas de station ni de panneau, je demande autour de moi et avec incertitude on m’envoie par-ci par-là sans que je ne comprenne ce qu’il faut que je cherche. Difficile de trouver l’arrêt quand rien n’est indiqué, les services de bus ont la réputation d’être ici désordonnés, erratiques, inexacts. Autant dire que ce n’est pas la Suisse, ici. L’avantage, quand il n’y a pas d’arrêt de bus, c’est qu’on peut alors héler le conducteur pour qu’il ouvre les portes pendant la marche du bus, et c’est exactement ce que je fais en apercevant par chance le bus. Petite demi-heure jusqu’à la destination, puis la sortie du bus je suis escorté jusqu’à l’entrée de Bunk’art par un petit groupe d’adolescents albanais qui sortent de l’école. Ils n’aiment pas le pays et voudraient s’en aller en France.

Visite donc de Bunk’art, un ancien abris anti-atomique construit dans les années huitante et inauguré en 1978 sous la dictature communiste de Enver Hodža, paranoïaque exemplaire qui était constamment persuadé d’une attaque imminente de l’ennemi. Il a ordonné la construction de dizaines de milliers de bunker partout en Albanie, et l’exposition se trouve dans un des plus grands bunker, construit dans une colline près de la capitale pour le corps gouvernemental, en cas d’attaque. Depuis quelques années, le tunnel souterrain a été transformé en exposition d’histoire et d’art et ouvert au public. La visite de l’exposition se fait donc à travers les cent six bureaux et la salle d’assemblée/cinéma. Je m’attendais à y voir de l’art, mais c’était très principalement l’histoire du pays avant, pendant et après le communisme. Ils auraient dû appeler ça Bunk’history. Très intéressant tout de même, beaucoup d’info.

Le couloir d’entrée.
La salle d’assemblée.

Sur le chemin du retour, je croise un couple de retraités suisses qui descend jusqu’en Grèce à vélo. À l’auberge de jeunesse, j’appelle Stéphane pour lui souhaiter joyeux anniversaire, et la conversation ayant duré plus longtemps que prévu, je prends la route très tard, vers dix-neuf heures. Vingt kilomètres jusqu’à Pëllumbas, petit village de montagne où une auberge m’a été conseillée par Alicia à Shkodër.

J’arrive à la tombée de la nuit, j’ai juste le temps de manger le repas avec les autres, on est six dont deux volontaires et le propriétaire, Ilir, puis je monte ma tente dans le jardin pour y dormir. Je préfère dormir à l’extérieur plutôt que dans une chambre. Au moment de se dire bonne nuit pour aller se coucher, Ilir sort nonchalamment un tapis de sol et un sac de couchage, et se place juste comme ça par terre devant la maison, sur l’herbe, sans même se changer ou passer du temps à tous les préparatifs habituels qui précèdent le coucher, en parfaite complication, sans détour, sans souci. L’observation de cet acte et de sa simplicité m’a immédiatement fait un truc, j’ai senti la petite graine d’un arbre qui, je le savais déjà, deviendrait gigantesque et merveilleux, être plantée dans mon esprit.

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