23km, 1h40.
Pëllumbas.
Avant de partir, jâaimerais visiter Bunkâart, qui se trouve un peu a lâextĂ©rieur de la ville, et je demande donc les instructions pour prendre le bus Ă lâauberge. ArrivĂ© Ă lâarrĂȘt, pas de station ni de panneau, je demande autour de moi et avec incertitude on mâenvoie par-ci par-lĂ sans que je ne comprenne ce quâil faut que je cherche. Difficile de trouver lâarrĂȘt quand rien nâest indiquĂ©, les services de bus ont la rĂ©putation dâĂȘtre ici dĂ©sordonnĂ©s, erratiques, inexacts. Autant dire que ce nâest pas la Suisse, ici. Lâavantage, quand il nây a pas dâarrĂȘt de bus, câest quâon peut alors hĂ©ler le conducteur pour quâil ouvre les portes pendant la marche du bus, et câest exactement ce que je fais en apercevant par chance le bus. Petite demi-heure jusquâĂ la destination, puis la sortie du bus je suis escortĂ© jusquâĂ lâentrĂ©e de Bunkâart par un petit groupe dâadolescents albanais qui sortent de lâĂ©cole. Ils nâaiment pas le pays et voudraient sâen aller en France.
Visite donc de Bunkâart, un ancien abris anti-atomique construit dans les annĂ©es huitante et inaugurĂ© en 1978 sous la dictature communiste de Enver HodĆŸa, paranoĂŻaque exemplaire qui Ă©tait constamment persuadĂ© dâune attaque imminente de lâennemi. Il a ordonnĂ© la construction de dizaines de milliers de bunker partout en Albanie, et lâexposition se trouve dans un des plus grands bunker, construit dans une colline prĂšs de la capitale pour le corps gouvernemental, en cas dâattaque. Depuis quelques annĂ©es, le tunnel souterrain a Ă©tĂ© transformĂ© en exposition dâhistoire et dâart et ouvert au public. La visite de lâexposition se fait donc Ă travers les cent six bureaux et la salle dâassemblĂ©e/cinĂ©ma. Je mâattendais Ă y voir de lâart, mais câĂ©tait trĂšs principalement lâhistoire du pays avant, pendant et aprĂšs le communisme. Ils auraient dĂ» appeler ça Bunkâhistory. TrĂšs intĂ©ressant tout de mĂȘme, beaucoup dâinfo.


Sur le chemin du retour, je croise un couple de retraitĂ©s suisses qui descend jusquâen GrĂšce Ă vĂ©lo. Ă lâauberge de jeunesse, jâappelle StĂ©phane pour lui souhaiter joyeux anniversaire, et la conversation ayant durĂ© plus longtemps que prĂ©vu, je prends la route trĂšs tard, vers dix-neuf heures. Vingt kilomĂštres jusquâĂ PĂ«llumbas, petit village de montagne oĂč une auberge mâa Ă©tĂ© conseillĂ©e par Alicia Ă ShkodĂ«r.


Jâarrive Ă la tombĂ©e de la nuit, jâai juste le temps de manger le repas avec les autres, on est six dont deux volontaires et le propriĂ©taire, Ilir, puis je monte ma tente dans le jardin pour y dormir. Je prĂ©fĂšre dormir Ă lâextĂ©rieur plutĂŽt que dans une chambre. Au moment de se dire bonne nuit pour aller se coucher, Ilir sort nonchalamment un tapis de sol et un sac de couchage, et se place juste comme ça par terre devant la maison, sur lâherbe, sans mĂȘme se changer ou passer du temps Ă tous les prĂ©paratifs habituels qui prĂ©cĂšdent le coucher, en parfaite complication, sans dĂ©tour, sans souci. Lâobservation de cet acte et de sa simplicitĂ© mâa immĂ©diatement fait un truc, jâai senti la petite graine dâun arbre qui, je le savais dĂ©jĂ , deviendrait gigantesque et merveilleux, ĂȘtre plantĂ©e dans mon esprit.