51km, 4h23.
J’ai rêvé d’une belle femme, on faisait du patin à glace ensemble, je sais que son partenaire était avec nous, mais on se tenait dans les bras et on freinait pour s’arrêter, mais cette action s’éternisait. On ralentissait mais à une vitesse ridicule, tout en se parlant, en rigolant, et il y avait une ambiance flirtive, je rougissais.
Je me suis réveillé à 4h du matin, à cause du froid et de l’humidité. J’ai pensé à ce rêve et à cette femme, puis j’ai finalement réussi à me rendormir vers 6h et dormir jusqu’à 9h30, lorsque je me suis réveillé pour de bon comme dans un four car le soleil tapait sur la toile de la tente qui créait un effet de serre propice à me rôtir. Ce n’était pas agréable mais je préfère ça à un réveil glacial. Je n’ai pas revu Branco, qui m’avait dit qu’il repasserait peut-être pour qu’on aille prendre un café. J’ai plié ma tente et je m’en suis allé. Je continue de suivre cette belle route cyclable et piétonne qui était autrefois une ligne de chemin de fer.
Après quelques kilomètres, je vois des barres et des machines de fitness au bord du chemin et décide d’y faire un peu de stretching. Un gars voit mon vélo et me demande d’où je viens et discute deux minutes avec moi avant de continuer son chemin. Je repars à vélo et lorsque je le recroise, il me parle de nouveau. Je descends de mon vélo et je marche finalement avec lui pendant presque deux heures. Il s’appelle Denis, il est prof de yoga qui a enseigné dans dix-sept pays, Canadien né à Ljubljana et venu vivre en Slovénie il y a six ans. Il me raconte son parcours, de travail de col blanc à prof de yoga en passant par un accident quasi-mortel à moto. Il a les dons de narration d’un bon nord-américain, et une philosophie d’un christianisme profond qui a été bien saupoudré de bouddhisme. Aujourd’hui, il travaille sur une petite maison qu’il a achetée près des montagnes, et qu’il rénove pour transformer en atelier de yoga et terrain self-sustainable. Il a une sorte de rituel qu’il fait tous les jours, et à cette heure-ci il fait cette ballade jusqu’à la mer, où se trouve Portorož, boit une petite bouteille d’eau en contemplant la mer, puis revient chez lui. Il connaît bien le chemin et ses habitants, que ce soit le triste monsieur assis seul qui le salue, ou les deux canards toujours au même endroit dans la rivière. On arrive donc à Portorož, et il boit son eau, assis à la même place que d’habitude, pendant que je mange mon pique-nique. Il me raconte comment le monde est en désordre car on cherche tous des plaisirs imminents au lieu de travailler à être sain de corps et d’esprit. Lorsqu’on ne se sent pas bien, on achète quelque chose. Et tout tourne si vite. Personne ne prend le temps de s’arrêter et de contempler l’instant présent, dans lequel il arrive déjà des milliers de miracles chaque instant. Je lui pose des questions sur mes addictions et comment combattre une dépendance de manière générale. On a aussi un débat sur comment écrire authentiquement de manière publique, une question que je me pose beaucoup ces derniers jours. D’après lui, je peux tout dire ce que je pense honnêtement, sinon ça signifie que je me rends inauthentique pour plaire à un lecteur, et que je cherche à plaire à quelqu’un d’autre jusqu’à un certain degré. Il me dit que ce que je n’ose pas dire, ce sont des jugements qui sont tous des poisons que je bois moi-même.
Il doit s’en aller pour rentrer donner son cours de yoga. J’achète des nouvelles lunettes de soleil, verte au teint vert, et pour le reste de la journée le monde est véritablement augmenté de ce filtre vert, j’ai comme l’impression d’être moins daltonien, de voir plus de nuances dans le paysage. Waouh, en tout cas c’est tellement plaisant comme expérience. Je passe ensuite la frontière et entre en Croatie !
Aujourd’hui je roule slow. Le chemin passe à côté de marais salants, puis monte sur une colline avoisinante d’où on en a une belle vue.
Je passe par plusieurs petits villages de pêcheurs.
Le soir, je demande à une dame qui joue au ballon avec son fils si je peux dormir dans son jardin, mais elle me dit qu’il n’y a pas la place. Elle me recommande donc un endroit assez proche, au bord de l’eau. J’y trouve un petit coin qui a l’air bien et monte ma tente. C’est sur un sentier au bord de l’eau parmi les roseaux, et c’est plutôt bien caché tout en étant assez proche de quelques maisons. Je mange une petite pizza et un burek au fromage que j’ai acheté juste avant. C’est bien plus facile lorsqu’il ne faut pas cuisiner et nettoyer des ustensiles. Il y a un magnifique coucher de soleil. C’est déjà très beau, et lorsque le soleil est passé sous l’horizon, soudain, la couleur orange est projetée sur toute la couverture nuageuse, et des textures saisissent le ciel, qui resplendit. La scène change chaque instant, se métamorphosant rapidement. Je m’assieds sur les rochers et regarde la mer. En face de moi, il n’y a que la paix. Et en moi aussi. Je vois ensuite ce que je crois être deux dauphins passer dans l’eau sous le soleil.
Quand l’univers s’est calmé, je fais une toute petite promenade le long de la route, rencontre une famille allemande dont la petite fille court et se jette vers moi de manière attendrissante dans la nuit, puis retourne sous ma tente.
Une réponse sur « Mercredi 6 avril 2022 »
[…] eu l’occasion d’en discuter avec des personnes que je rencontrais. C’est avec Denis que j’ai compris que le plus grand problème était tout ce qui avait attrait, dans mes […]