Nemrut Dağı

Le tumulus d’un ancien roi érigé au sommet d’une montagne à 2200 mètres d’altitude, ça me parlait beaucoup. Et pourquoi pas faire l’ascension à vélo aussi ! Après la plaine de Konya, j’ai bien compris que les routes de mon voyage qui laisseront les meilleurs souvenirs seront les cols et les montagnes, et le mont Nemrut semblait être un défi parfait sur mon chemin. J’ai donc décidé d’y monter et d’y camper pour admirer le coucher et le lever du soleil.

Lorsque je disais aux gens que j’allais gravir la montagne à vélo, on me disait que c’était impossible: la pente était trop raide, l’ascension bien trop longue. Et que si j’arrivais au sommet, il ferait bien trop froid la nuit pour y camper. Un ami d’Adıyaman m’a dit qu’il avait essayé de le faire il y a quelques années mais avait dû abandonner. Tous ces avertissements avaient évidemment pour but de m’aider et me protéger, mais aussi de m’en dissuader. Mais loin étaient-ils tous de se douter qu’ils ne faisaient qu’accroître mon excitation intérieure face à ce défi, et que je me délectais déjà de ce que je ressentirais en réussissant à arriver là-haut suite à tant de découragements. Car c’est ainsi: plus on nous fait croire qu’une chose est impossible, plus grand est le sentiment de triomphe après la réussite. Et alors qu’on rigolait de mon entreprise, la seule chose que je me disais était que je ne serais pas un vrai aventurier qui se respecte si je ne tentais pas au moins l’ascension.

La veille de la montée, j’ai donc campé au village de Kocahisar, à la base de la montagne juste avant l’entrée au parc naturel. Il s’y trouve un château médiéval construit sur une colline escarpée qui fait face au village. Une vue épique qui semble tout droit sortir des images de synthèse d’un film de fantasy.

Vue sur le château.
Un café m’a proposé de camper sur leur terrasse, douche et toilette gratuite.
Vue sur le village de Kocahisar depuis le château.
Fenêtre sur…

Le lendemain, je me suis réveillé à 5h45 pour commencer l’ascension avant la chaleur du jour. La route jusqu’au sommet est faite de pavés bien entretenus et la qualité de la route était donc bonne. Par une pente moyenne de plus de 10% qui va même par moment jusqu’à 18-20%, je montais doucement et joyeusement sur ma vitesse la plus basse. Pas de quoi s’affoler, on a toute la journée s’il le faut. On m’avait prévenu qu’il y aurait des automobilistes cinglés sur cette route; j’ai croisé moins d’une vingtaine de voitures, et toutes se sont arrêtées pour m’encourager ou me proposer de l’eau et de la nourriture. Un certain Turc m’a même proposé un chewing-gum. Pas la chose dont j’ai le plus besoin en ce moment, mais pourquoi pas.

Je refesais le plein d’énergie avec les figues offertent par Zeynep et Özge à Adıyaman.
Bientôt au sommet.
Un énorme troupeau de chèvre près du sommet.

Vers midi, je suis finalement arrivé au sommet. Ce n’était rien de bien méchant, en me donnant toute la journée et en y allant à petits pas coups de pédales, c’était plus une question de patience mentale plutôt que d’exploit physique.

À chaque fois qu’on demande à un boomer de nous prendre en photo…

La sécurité ne veut pas que j’aille plus loin et je dois camper près du restaurant.

J’aperçois une ambulance, qui se trouve être le véhicule emprunté par Rachel, Lawrence, et leur chienne Peggy, un couple d’Anglais qui sont en train de battre le Guinness World Record du plus long voyage en véhicule d’urgence.

The Overlanding Ambulance.

Puis arrive un énorme véhicule, qui ressemble à un tank de combat; c’est un ancien camion-pompier allemand reconverti en van, conduit par Alex et Christina. Ils me laissent utiliser leur douche extérieure, ce qui est un véritable don du ciel pour le cycliste malpropre que j’étais après la montée: je peux mettre des nouveaux habits et me sentir beaucoup plus à l’aise pour mon séjour au sommet. 🙂

Une bonne petite douche.
En train de ma rhabiller dans la tente.

Alors que durant la journée, le sommet est presque entièrement vide de touristes, des dizaines de minibus prennent d’assaut la montagne à la tombée du jour: les tours organisés viennent pour observer le coucher de soleil. Nous, on prend l’ambulance pour parcourir le dernier kilomètre jusqu’au sommet.

Nemrut Dağı.

Depuis là-haut, on a une vue imprenable sur toute la région. Vers l’est, je devine au loin Adıyaman, d’où je viens, et à l’ouest, je vois l’agglomération de Siverek, où je me dirigerai demain. Les reliefs du terrain ont l’air de rien du tout depuis ici: on croirait regarder dans un bac à sable. L’intrication des monts et des vaux que j’ai traversés hier et qui semblaient, depuis le sol, chacun disparates et esseulés, fait soudain sens maintenant: on comprend comment les déformations ont eu lieu et comment chaque partie du terrain s’insère dans un ensemble qui a toute une histoire géomorphologique derrière lui. J’ai envie de regarder un coin de ce paysage et de m’y aventurer; avant de me rappeler que c’est déjà ce que je fais ! Peut-être que j’ai envie de le parcourir à pied, d’avoir des jours infinis devant moi pour marcher jusqu’à un autre sommet et de visiter la terre entre deux, de rencontrer tout ce que la petite société locale de mes confrères a à offrir là, et de continuer ainsi pour découvrir le monde entier.

Plongée sur le réservoir Atatürk au sud. Plus loin, la Syrie.

Alors que je grimpe un rocher pour attraper une meilleure vue sur le tumulus et les statues, un touriste canadien du même âge que moi m’interpelle: « un peu décevant, cet endroit, n’est-ce pas ? ». Wow mon ami, de quoi tu parles ? On était perché à 2’150 mètres d’altitude au sommet d’une des plus hautes montagnes du Mont Taurus, où les ancêtres de cette terre, qui faisaient partie d’un empire tampon entre Rome, la Syrie, l’Arménie et l’empire Parthe, ont construit un tumulus de 400’000 tonnes de pierres pour leur roi Antochios Ier de Comagene. À l’est et à l’ouest, face aux points d’entrée et de sortie de notre soleil sur ce monde, deux terrasses munis d’un alignement de statues de pierre de huit mètres de hauteurs ont été érigés, représentant un aigle, un lion, Antochios lui-même, la déesse Comagene, Zeux, Apollon, et Heraclès. Comment ne peut-on pas avoir des frissons de béatitude à nous trouver sur un tel site ?

Mais il était en fait évident qu’on ne pouvait expérimenter la chose de la même manière que moi ; il était arrivé à ce lieu de culte avec un minibus qui l’avait confortablement déposé à quelques centaines de mètres du sommet, et après avoir vu le coucher de soleil, son guide l’appelait pour redescendre déjà et le conduire à la prochaine case touristique. Je me sentais désolé de ne pas réussir à partager avec lui ce que je ressentais pour la majestuosité de l’endroit. Pourtant, il connaissait l’histoire du lieu encore mieux que moi. C’était une bonne occasion pour moi de me rappeler que, en terme de voyage et d’aventure, l’important n’est pas seulement ce que l’on visite, mais comment on le visite: y arriver à vélo, planifier d’y camper pour attraper le coucher et le lever de soleil, c’était ça qui constituait le vrai volume de l’expérience et amenait à apprécier et pouvoir déguster l’importance historique du lieu.

Têtes des statues devant le tumulus.
La tête de Zeus.
Le soleil couchant.
Moi devant le coucher de soleil.
Coucher de soleil.

Après cette rencontre, j’ai envie de profiter au plus longtemps et de rester au sommet, mais la température chute drastiquement et rapidement après que le soleil a disparu derrière l’horizon. Le temps de redescendre en ambulance, de cuisiner des pâtes et de manger avec Rachel et Lawrence (qui en profite pour diagnostiquer les problèmes de mon réchaud), il est ensuite l’heure de se préparer pour aller au lit tôt. Juste avant d’aller nous coucher, un jeune couple de motocyclistes allemands, Nico et Johanna, rejoignent la bande et plantent leur tente à côté de nous.


Le lendemain, réveil à 4h45 pour remonter au sommet et assister au lever du soleil. Je remarque que c’est la première fois de ma vie que j’observe le coucher et le lever de soleil d’une même nuit. Le Mont Nemrut se prête bien à cette expérience, avec le magnifique panorama à 360°, et à plus forte raison grâce aux deux terrasses qui font face à l’est et l’ouest. Cette fois-ci, on est donc du côté est, qui contient, en plus de la même disposition de statues, un joli petit autel à incinération.

Lever de soleil.
Le statues de la terrasse est.

Nous sommes tous invités par Rachel et Lawrence qui nous offrent généreusement le petit-déjeuner. Après un partage de nos expériences en Turquie et nos voyages respectifs, petite séance photo devant nos véhicules. On s’amuse à observer la déclinaison des différents moyens de transports que l’on partage entre nous. Ensuite, je redescends la montagne pour la suite des aventures.

Rachel, Peggy, Alex, Christina, Lawrence, moi, Nico, Johanna.
Avec nos véhicules.

Page Instagram de Rachel et Lawrence: https://instagram.com/theoverlandingambulance

Page Instagram d’Alex et Christina: https://instagram.com/weitwinkel.reisen

Page Instagram de Nico et Johanna: https://instagram.com/see.whats.possible_

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